Jeudi J4 – Météo incertaine d’un versant à l’autre

Manger en suffisance et foudre – les inquiétudes de Jean-Christophe

Ce matin, Jean-Christophe commence la journée avec un énorme petit-déjeuner. Son corps réclame de l’énergie, la mémoire du parcours de mardi est encore fraîche. L’incertitude plane aussi pour la journée : des orages sont prévus, certaines prévisions les prévoient dès le matin, d’autres en début d’après-midi. Une certitude s’impose : il ne faudra pas traîner.

Objectif du jour

Nous prévoyons l’ascension du Mairspitze, puis direction Sulzenau Hütte. Ce parcours nous a été recommandé par un jeune couple de Néerlandais rencontré la veille autour d’un repas chaleureux.

On remonte de nouveau…

Hier nous sommes montés jusqu’à 2754m puis redescendu à 2278m, et aujourd’hui ce sera très similaire. Mais à quoi bon monter et descendre sans arrêt ? Vous le saurez bientôt. La montée est intense, mais pas techniquement difficile. Passé les 2500 mètres, l’altitude se fait sentir et nous oblige à ralentir pour retrouver notre souffle. Arrivés au col, impossible de résister à un petit détour de 5 à 10 minutes pour atteindre le sommet à 2780m. Oui, nous avions dit qu’on ne traînerait pas… mais la vue en valait la peine ! D’un coté, on voit la descente impressionnante de la veille, de l’autre on découvre un nouveau versant avec des glaciers, torrents, lacs et tout petit notre destination.

Prendre le temps mais avec prudence

La descente, comme la veille, est très raide au début avant de s’adoucir, mais elle est bien plus courte. Quelques passages de via ferrata parsèment le chemin, mais rien d’aussi impressionnant qu’hier. Nous sommes ensuite récompensés par un paysage époustouflant de lacs, dont un particulièrement bleu et magnifique. On s’y arrête pour manger et admirer. Parfois un petit rayon de soleil perce les nuages et le lac est comme électrisé. On sent des gouttes de pluie mais rien de menaçant encore. On profite.

Resterons-nous au sec ?

La dernière demi-heure nous offre quelques averses, vite compensées par des périodes de séchage rapide. À peine arrivés au refuge, le déluge débute. Ouf, timing parfait !

Bloqués l’après-midi à cause du mauvais temps, nous passons le temps avec les jeux du refuge. Jean-Christophe s’adonne au dessin pendant que Vera profite d’une sieste réparatrice.

Le ciel se dégage enfin

Après un bon repas du soir et des rencontres très sympa avec 4 autres voyageurs, nous faisons une dernière balade jusqu’à un lac paisible, niché près d’un site mystérieux fait de pierres empilées telles une forêt de cailloux, un lieu chargé de sérénité.

Moral de la journée : malgré les prévisions capricieuses, chaque détour et chaque rencontre ajoutent une touche de magie à l’aventure.

Bientôt les photos et les textes en allemand

Français

Dans les prochains jours, j’ajouterais les photos mais il faut que je fasse le tri d’abord (plus de 700 photos ont été prises). Puis je traduirais les récits en allemand (il faudra cliquer sur l’article pour voir la traduction allemande en deuxième partie).

Les jours 4 et 5 sont en préparations aussi.

Deutsch

In den nächsten Tagen würde ich die Fotos hinzufügen, aber ich muss zuerst sortieren (mehr als 700 Fotos wurden aufgenommen). Dann würde ich die Erzählungen ins Deutsche übersetzen (man muss auf den Artikel klicken, um die deutsche Übersetzung im zweiten Teil zu sehen).

Die Tage 4 und 5 sind ebenfalls in Vorbereitung.

Teasers

Mercredi J3 – Au royaume des bouquetins

Matin sans stress

Après l’étape éprouvante d’hier, la promesse d’un orage cet après-midi ne nous fait même pas lever un sourcil : seulement 3 à 4 heures de marche au programme, et surtout du dénivelé négatif – pour le plus grand plaisir de Jean-Christophe… Nous traînons donc un peu, savourant le silence du refuge avant de reprendre le sentier.

Entre tourbières et souvenirs d’Islande

Le chemin serpente d’abord entre plans d’eau et tourbières de montagne ; les linaigrettes – herbes à coton – agitent leurs pompons blancs comme des coton-tiges géants. Instantanément, les paysages d’Islande nous reviennent en mémoire. La montée est douce, on peut profiter pleinement du paysage sans risquer un faux-pas… puis, soudain, elle se cabre : pente raide, nous rangeons nos bâtons et utilisons pieds et mains pour monter, et pour finir une via ferrata aisée mais délicieusement ludique avec une pointe d’acrobatie.

Col du Simmingjöchl

Au sommet, l’ancienne Zollhütte sert encore d’abri de secours. Le vent pique, tout le monde enfile pulls et coupe-vent… sauf quelqu’un, devinez qui ?

Devant nous, un nouveau versant se déploie : des blocs de gneiss brut, tel un chaos rocheux idéal pour bondir de pierre en pierre, plus bas des torrents, petits lacs et cascades. Jean-Christophe – euphorique – se transforme en chamois, sous le regard étonné de Vera qui se demande ce qu’il a dû manger.

Rencontre avec un troupeau de bouquetins

Un mouvement attire son attention : deux longues cornes comme des cimeterres émergent de la crête. En un instant, nous repérons un troupeau entier de bouquetins. Pause déjeuner improvisée, regards pointés. Le mâle dominant reste impassible, allongé, ne se levant qu’à la fin pour se gratter le dos avec ses cornes. Autour de lui, les jeunes jouent au bélier.

Les joies des noms d’animaux qui se baladent d’une langue à l’autre

Jean-Christophe, amoureux de la montagne et de la nature, montre ces bouquetins à des randonneurs croisés en chemin. « Regardez ces animaux ! » dit-il en pointant du bâton, car il ne connait pas le terme dans les autres langues (anglais, allemand ou néerlandais). Et là, les visiteurs internationaux sortent leur arsenal linguistique. En allemand ? “Gämse”. En néerlandais ? “Gems”. En anglais ? “Gems”. Oups… sauf que non, ce sont tous là des mots pour décrire un chamois, or ce sont des bouquetins !

Mais d’où vient cette confusion ? En Afrique du Sud, les anglophones appellent une certaine antilope “gemsbok”. Et le “steenbok” ? Encore une autre antilope là-bas. Est-ce que cette confusion viendrait de là ?

Les vrais termes sont “Steinbock” en allemand, “steenbok”en néerlandais et “steinbock” ou “ibex” en anglais. On y perdrait presque notre latin ! … il faudrait d’ailleurs adapter cette expression française pour la circonstance, car on y perdrait plutôt son germain !

Bref, entre les bouquetins, les chamois, les antilopes et les traductions approximatives, il y a de quoi donner le vertige. Après tout, ce sont les mêmes anglophones qui appellent les Néerlandais “Dutch” et les Allemands “German”. La confusion ? Une tradition ancestrale !

Il faut bien l’admettre, ce jeu est aussi le petit péché mignon de Jean-Christophe. D’ailleurs, c’est lui-même qui a eu la brillante idée de rebaptiser la charmante ville de Gschnitz en « Gschwitzt ». Pourquoi ? Eh bien, après avoir affronté la chaleur torride de lundi dernier, il s’est senti comme dans un bain turc, souvenez-vous. En allemand, « j’ai beaucoup transpiré » se dit « ich habe viel geschwitzt », et visiblement, Jean-Christophe a voulu immortaliser son exploit en sueur dans la toponymie locale !

Gneiss et pierres rouillées

La descente commence sur de vastes dalles grises, polies et striées par d’anciens glaciers. Certaines plaques scintillent, d’autres virent au brun-rouge : le fer qu’elles contiennent s’oxyde et, chauffé par le soleil, rend la pierre plus tiède sous la main que d’autres.

Petit paradis et marmotte timide

Le sentier franchit des névés, traverse un désert de pierraille, puis débouche sur une clairière idyllique : un torrent paresseux, des mares teintées d’ocre par la rouille, des touffes de linaigrettes. Vera file, tandis que Jean-Christophe se fige pour guetter une marmotte. Patience récompensée : museau pointé, clic-clac, souvenir capturé.

Vertigo à répétition

La suite n’est qu’un enchaînement de descentes abruptes, ponctuées de petites vie ferrate – certaines faciles, d’autres un brin plus techniques, et toujours spectaculaires. Tout en bas, un pont branlant enjambe un torrent mugissant ; il oscille sous nos pas, souvenir lointain de l’Annapurna.

Balade bucolique finale

Le relief s’adoucit enfin : rochers lustrés, ruisselets chantants, trilles d’oiseaux-sentinelles, tapis de fleurs odorantes. Vera détecte même du thym sauvage dont le parfum embaume les derniers mètres.

Arrivée à la Nürnberger Hütte

Le refuge apparaît. Jean-Christophe, affamé depuis hier, fond sur le comptoir : énorme assiette de spaghetti bolognaise (le fameux Bergsteigeressen) suivie d’une portion de Kaiserschmarrn, plat sucré typiquement autrichien. Il rayonne, repu, tandis que l’orage gronde au-dehors.

Bilan du jour : marche plutôt courte, mais une mosaïque de paysages, une harde de bouquetins sur une crête abrupte et un cours express de linguistique montagnarde. Demain ? On verra bien : la météo peut bien faire la grimace, nous avons retrouvé nos forces… et notre sens de l’humour.

Mardi J2 – Est-ce que le chemin sera passable ?

L’orage d’hier soir a été très violent. Les torrents ont débordé, l’eau sauvage a trouvé de nouveaux chemins pour dévaler les côtes. Pouvons-nous encore continuer notre randonnée ?

Coupé du monde

Réveil à 06:00 du matin, afin de se restaurer avant une longue marche et de prendre des nouvelles pour notre route. Des nouvelles ? Il n’y en a pas. Nous sommes coupés du monde, l’internet et le téléphone ne fonctionnent pas. Impossible de savoir si notre parcours est praticable. Le temps de finir le petit déjeuner et de préparer quelques sandwiches pour midi, nous apprenons que la vallée de Gschnitz – bravo à ceux qui remarquent qu’on a démarré là-bas – est en partie bloquée. Il y a eu un éboulement, un pont est cassé et des gens sont en train d’être évacués par hélicoptère. Heureusement que nous n’avons pas garé la voiture à cet endroit pour le retour ! Par contre, pour la rando vers la Bremer Hütte, nous restons sur notre faim. Toujours pas d’information. Alors que faire ?

Une idée

Le Hüttenwirt (le gestionnaire du refuge) nous déconseille de partir et nous indique qu’un hélicoptère viendra vers 08:00 pour inspecter le chemin. Il faudrait donc attendre. Mais la météo hier annonçait des orages pour l’après-midi. Était-ce toujours d’actualité ? Si oui et que le chemin est possible, il nous faut partir maintenant.

Jean-Christophe propose un plan. Il faut 7 h de marche pour atteindre notre prochaine étape. Donc allons-y, soit nous rencontrons rapidement un obstacle et nous faisons demi-tour et passons une nuit de plus ici; soit si au bout de 3 h 30 de marche, nous ne rencontrons personne venant dans l’autre sens, alors sur la deuxième moitié de notre chemin il y a un obstacle mais nous aurons le temps de rebrousser chemin avant le prochain orage.

Alors en route !

Un chameau métaphorique à trois bosses

Notre chemin fait 11 km avec 830 m de dénivelé ascendant et 780 m descendant. Il fait chaud et le soleil cogne déjà alors qu’il n’est que 07:15 lors de notre départ. Sur la route qui grimpe, on entend les tak, tak rythmés de nos bâtons, suivi du crissement, des cailloux sous nos chaussures, et de temps à autre, tel un triangle de musique les tschip, tschip d’un oiseau. Entre-temps un jeune couple sportif nous dépasse, puis deux guides de montagne avec pioche et pelle s’arrêtent à notre hauteur pour nous dire de faire demi-tour, mais sans explication, avant de poursuivre le chemin. Nous continuons car avec notre plan nous ne prenons pas de risque et sans explication ça ne sert à rien comme information. Et si le chemin est vraiment impassable, ces quatre personnes reviendront.

Enfin, arrivé en haut de notre premier col, une magnifique vallée s’ouvre à nous, ainsi que la vue d’une rude descente, et celle de notre premier animal alpin (?), un chameau à trois bosses ! Oui, Jean-Christophe vient de regarder le profil du chemin et nous avons trois cols, et sachant qu’il n’aime pas les descentes, le voilà en joie à la vue de cet animal allégorique.

Vie Ferrate

À notre grand plaisir, le chemin offre plusieurs fois des vie ferrate (via ferratas ? Le français et ses emprunts à l’italien… :haussement d’épaules:). Pour ceux qui ne connaissent pas ce terme, c’est un itinéraire en montagne aménagé avec des câbles, des échelles, des prises et des ponts métalliques, qui permet de progresser sur des parois rocheuses en meilleure sécurité, quand on a l’expérience. C’est un mélange d’alpinisme et d’escalade. Toutefois, sur notre chemin, elles ne nécessitent pas de baudrier et de longes, pour des gens expérimentés, elles sont faciles.

Le temps presse

Le temps est monotone comme un métronome. Il avance avec constance alors que nous, nous avançons au rythme des difficultés du chemin et de la contemplation du paysage. Je dis « et » mais c’est plutôt un ou exclusif, le chemin est dangereux. Donc il faut soit se concentrer sur où l’on doit faire le prochain pas, ou alors s’arrêter à un endroit sûr et apprécier le paysage. Un faux pas et c’est parfois 500 m de dénivelé : comme sur la lune, en montagne il vaut mieux faire des petits pas si on ne veut pas finir comme Ötzi !

Obstacles imprévus

Cette deuxième vallée offre un paysage éclatant de fleurs contrastant avec la rudesse et la caillasse de la première partie de notre parcours d’aujourd’hui. Cependant, la beauté florale cache des défis imprévus : les torrents gonflés par l’orage de la veille ont creusé des tranchées impressionnantes, rendant la traversée plus complexe.

La marche s’étire, rythmée par des franchissements d’éboulis de pierres et de ravins. Chaque pas est une aventure, chaque obstacle un défi que nous relevons avec détermination. Après avoir conquis notre deuxième col, une décision s’impose : nous sommes à mi-chemin et nous n’avons croisé personne, que faire ?

Continuer ou rebrousser chemin?

Notre plan était qu’à mi-chemin si nous n’avions croisé personne, il nous faudrait faire demi-tour. Mais voilà, nous sommes arrivés à ce point et il n’y a toujours personne. Par contre, le jeune couple sportif et les deux guides ne sont pas revenus. Donc il nous semble que le chemin est passable. Et jusqu’à présent, il y a eu quelques obstacles mais rien de dangereux et aussi il nous semble que dans cette vallée, l’orage a été moins violent.

Alors c’est décidé, nous continuons.

Nous nous attaquons au dernier col, notre plus gros dénivelé ascendant de la journée. Après quoi, nous arrivons à un croisement. Notre chemin et une alternative qui passe par un lac.

Bain alpin

Un sentier parallèle attire notre curiosité. Il promet un panorama autour d’un lac dont d’autres randonneurs nous ont décrit comme magnifique. Jean-Christophe, toujours stratégique, apprécie particulièrement cette option : moins de descentes à affronter ! Cette nouvelle voie nous mène à un lac d’un bleu profond et cristallin, une véritable perle nichée au creux des montagnes. L’eau est glacée, mais la chaleur accablante ne nous freine pas. Vera, intrépide, plonge sans hésiter, suivie de près par Jean-Christophe, qui y trouve un soulagement pour ses pieds fatigués. Il a eu une douche froide hier, aujourd’hui juste les pieds, cela est bien suffisant, non ?

Dernières bonnes surprises de la journée

Le ciel s’assombrit, annonçant de nouveaux orages. Nous accélérons le pas vers notre prochain défi : une via ferrata plus technique que celles déjà franchies. La paroi est vertigineuse, le dénivelé pas mal non plus. Ma montre, malheureusement à court de batterie, ne pourra pas immortaliser cette performance en chiffres. Mais qu’importe, le souvenir est gravé dans nos esprits.

À la sortie de la via ferrata, un sentiment de fierté nous envahit. Le refuge apparaît enfin, et presque à l’heure du dîner, ce qui satisfait énormément Jean-Christophe. Oui, affamé et après avoir épuisé ses quatre barres de muesli (au lieu des deux prévues), il retrouve le sourire. Nos deux randonneurs profitent de quelques rayons du soleil que les nuages n’ont pas encore chassés, et se reposent sur une chaise longue.

Le soir tombe, apportant fraîcheur et sérénité. Tandis que la plupart enfilent des pulls, Jean-Christophe, fidèle à lui-même, reste en t-shirt. Peu lui importe le froid, captivé par la vue spectaculaire des montagnes. Il capture l’instant en photo, peut-être pour en inspirer un futur dessin.

Un jour de randonnée mémorable, marqué par des paysages enchanteurs, des défis relevés et des souvenirs gravés pour toujours.

Sur la route de Maierspitze

Ces dernières 24h ont été merveilleuses, mais il faudra attendre pour les articles car on n’avait pas de réseau du tout. Et là en pleine montée à 2750m d’altitude au milieu d’un chaos de roches, le téléphone interrompt le bruit du torrent dans la vallée, au début je me suis demandé quel drôle d’oiseau coupe notre méditation ascendante ;-)

cet après-midi nous serons au prochain refuge, dont j’ai oublié le nom :-D si j’ai du réseau j’essaierai de poster les autres articles. Bonne journée !

Lundi J1 – Bain de hammam et douche glacée sur la route de l’Innsbrucker Hütte

Départ – 1200m

Sous un ciel de juin déjà caniculaire, nous quittons les maisons typiquement tyroliennes de Gschnitz et attaquons d’emblée un mur : 1100m de dénivelé pour seulement 7km. Les prairies sont des pastels de couleurs, les vrombissements des insectes sont parfois interrompus par une clarine, et Jean-Christophe fait halte à chaque bouquet floral pour immortaliser pétales et antennes. Un papillon orange dentelé de noir confond sa main avec une fleur.

Chaleur – 1600m

Le thermomètre indiquait 25°C à notre départ à 09:30 et les orages sont annoncés pour l’après-midi, là Jean-Christophe découvre un phénomène nouveau : transpirer à flots. Après deux heures de marche, il se sent dans un hammam sans murs — trempé comme jamais sans la moindre goutte de pluie. La gourde se vide et se remplit déjà, merci le torrent !

Peu à peu au-dessus des arbres – 1900m

Une pause déjeuner expresse à l’ombre, et nous repartons sur un sentier qui se cabre davantage. Peu à peu, nous franchissons la limite forestière ; avec l’ombre disparaît notre protection solaire, ça tape. On ne traîne pas car les orages sont difficiles à prévoir en montagne. Heureusement, l’air se rafraîchit et les Zéphyrs jouent avec nous. Un banc providentiel nous fait un clin d’œil : on cède. Les “Energy Balls” pistache salée promettent de l’énergie ; le plaisir gustatif, visiblement, n’était pas dans la recette.

Refuge en vue – 2360 m

La silhouette de l’Innsbrucker Hütte se découpe enfin. Sur la terrasse, un Bergsteigergetränk (littéralement “boisson du montagnard” : eau + sirop) nous accueille, mais Jean-Christophe vise d’abord la douche : un euro les trente secondes d’eau chaude, le calcul est vite fait ; il opte pour la version froide … c’est vraiment froid !

Pendant qu’il grelotte, Vera choisit la voie inverse : simple rafraîchissement et repos éclair avant d’enfiler son harnais pour la via ferrata à quinze minutes du refuge. Elle revient juste à temps avant la douche gratuite : pluie en cascade – au moins elle est plus chaude que la douche du refuge, puis grêle drue – exfoliation intégrale, offerte par la montagne.

On est content d’être à l’abri. L’orage fait rage. L’électricité est brièvement interrompue pendant plusieurs minutes. Puis, les torrents qui étaient à sec couvrent de leur rugissement les grondements du tonnerre. Ils sont violents et débordent sur le chemin que nous devrons emprunter le lendemain.

Seront-ils encore praticables ?

Innsbruck

Cette semaine, Vera et moi faisons une randonnée dans les montagnes du Stubaital. Départ aujourd’hui de Innsbruck en train et bus jusqu’à Gschnitz, départ de notre rando.

Il fait chaud mais il devrait faire de 12 à 25°C dans les hauteurs. Sans ombre, ça sera chaud mais au moins les nuits seront fraîches.

Je n’ai pas de photos de Innsbruck. Pas de temps pour faire du tourisme.

Notre train arrive… À bientôt !

Amarettino e cappuccino

Brise fraîche
Une table sous l’ombre
D’un tilleul fleuri qui s’étire.

Inspiration — senteur de l’été approchant

Croooc
Note caramélisée envahissante
Poursuivie
Par un cœur doux-amer

Expiration — l'amandine prend sa place

Une tasse approche des lèvres
Pschhhh
Déchirement feutré d’une mousse lactée
Sliiiirp
Suave et aérien d’abord
Prolongé par l’âpreté arrondie d’un cacao — hmmm

Résonance du baiser de Saronno…

Bonne journée :-)

Haïku – La Lune Rousse

Il s’agit là de mon tout premier essai d’écrirture d’un haïku.

Écho Silencieux

Nuit silencieuse —
La Lune est là, distante,
La regardes-tu ?

Un haïku est un poème japonais court qui en 3 vers de 5-7-5 syllabes exprime un instant, une émotion ou une scène. J’aimais bien ce premier essai qui sort un peu du genre traditionnel en interpellant directement le lecteur par une question. Mais par la suite, alors que j’essayais de le traduire en allemand, je me suis rendu compte que les termes utilisés étaient trop simples et crus. En reprenant le champ lexical de ce thème et l’émotion que j’avais perçue, j’ai écrit deux nouvelles versions qui me plaisent beaucoup mieux. Chacune d’entre elles présente une touche d’originalité qui ne respecte donc pas strictement les règles du haïku, mais qui ne dénature pas l’idée de ce type de poème.

Je ne suis pas français pour rien après tout ;-)

Une lune rousse
Déchire l’obscurité —
Bruissement d’une pensée.

Voici le deuxième :

Nuit feutrée — frisson !
La lune m’éclabousse
d’un lointain murmure.

Les amateurs de Prévert feront peut-être le lien avec l’un de ses poèmes (indice : une orange et un prisonnier).

Cueille le jour présent sans te soucier du lendemain

Le titre de ce billet de blog est la traduction du vers latin « carpe diem, quam minimum credula postero ». Il s’associe parfaitement avec le thème de mon escapade à Münster. Alors je suis allé cueillir les bleuets de ma pensée.

Prendre conscience de ce que l’on vit, c’est d’abord ralentir, observer et écouter. C’est ouvrir ses sens sur le présent, cet instant fugitif. Les Allemands parlent d’Achtsamkeit : une attention simple, vigilante. Il s’agit de consciemment prendre une photo de ses sens et de l’explorer. La marche l’incarne très bien : on regarde vraiment où l’on met les pieds, on écoute sa respiration, on hume l’air, on laisse les détails du chemin remonter – on devient spectateur attentif d’une odeur d’herbe coupée, d’un parfum de fleur de sureau, de trilles d’un mignon roi de l’hiver perché sur une clôture, ou de la lumière qui change au passage d’un nuage. Cette conscience de la musique de notre monde présent s’entretient admirablement dans le souffle régulier de la promenade.

Le rythme du pas peut alors devenir un trait de crayon ou un jet d’encre, les sens externes peuvent s’éteindre et nos sens internes s’activent. Les impressions ressenties pendant la marche consciente, les souvenirs, les formes, les odeurs peuvent maintenant guider notre main. Quand on trace un contour ou rédige quelques lignes, on se focalise : le cerveau met les notifications externes en sourdine et ouvre la porte à l’imaginaire ; en quelques minutes on peut voir un champ de blé différemment, sous une lumière crépusculaire. Concentration et créativité peuvent bien s’accorder : l’une tient la lampe, l’autre explore.

Dans les trois cas – marcher, dessiner, écrire – l’idée est la même : cultiver un regard frais et disponible, changer son point de vue, commencer une nouvelle exploration, itérer. C’est un exercice modeste, mais au combien précieux. Essayez : sortez pour dix minutes, croquez un paysage, ou griffonnez trois vers en haïku. Vous verrez, votre point de vue n’a pas besoin de système de navigation pour se déplacer.

Voici un haïku (poème court japonais à l’origine) composé d’après les photos ci-dessus et avec l’impression que ce moment m’a fait ressentir.

Blés jaunes dorés —
Un bleuet perdu éclate,
Une note espiègle.