L’orage d’hier soir a été très violent. Les torrents ont débordé, l’eau sauvage a trouvé de nouveaux chemins pour dévaler les côtes. Pouvons-nous encore continuer notre randonnée ?
Coupé du monde
Réveil à 06:00 du matin, afin de se restaurer avant une longue marche et de prendre des nouvelles pour notre route. Des nouvelles ? Il n’y en a pas. Nous sommes coupés du monde, l’internet et le téléphone ne fonctionnent pas. Impossible de savoir si notre parcours est praticable. Le temps de finir le petit déjeuner et de préparer quelques sandwiches pour midi, nous apprenons que la vallée de Gschnitz – bravo à ceux qui remarquent qu’on a démarré là-bas – est en partie bloquée. Il y a eu un éboulement, un pont est cassé et des gens sont en train d’être évacués par hélicoptère. Heureusement que nous n’avons pas garé la voiture à cet endroit pour le retour ! Par contre, pour la rando vers la Bremer Hütte, nous restons sur notre faim. Toujours pas d’information. Alors que faire ?
Une idée
Le Hüttenwirt (le gestionnaire du refuge) nous déconseille de partir et nous indique qu’un hélicoptère viendra vers 08:00 pour inspecter le chemin. Il faudrait donc attendre. Mais la météo hier annonçait des orages pour l’après-midi. Était-ce toujours d’actualité ? Si oui et que le chemin est possible, il nous faut partir maintenant.
Jean-Christophe propose un plan. Il faut 7 h de marche pour atteindre notre prochaine étape. Donc allons-y, soit nous rencontrons rapidement un obstacle et nous faisons demi-tour et passons une nuit de plus ici; soit si au bout de 3 h 30 de marche, nous ne rencontrons personne venant dans l’autre sens, alors sur la deuxième moitié de notre chemin il y a un obstacle mais nous aurons le temps de rebrousser chemin avant le prochain orage.
Alors en route !
Un chameau métaphorique à trois bosses
Notre chemin fait 11 km avec 830 m de dénivelé ascendant et 780 m descendant. Il fait chaud et le soleil cogne déjà alors qu’il n’est que 07:15 lors de notre départ. Sur la route qui grimpe, on entend les tak, tak rythmés de nos bâtons, suivi du crissement, des cailloux sous nos chaussures, et de temps à autre, tel un triangle de musique les tschip, tschip d’un oiseau. Entre-temps un jeune couple sportif nous dépasse, puis deux guides de montagne avec pioche et pelle s’arrêtent à notre hauteur pour nous dire de faire demi-tour, mais sans explication, avant de poursuivre le chemin. Nous continuons car avec notre plan nous ne prenons pas de risque et sans explication ça ne sert à rien comme information. Et si le chemin est vraiment impassable, ces quatre personnes reviendront.
Enfin, arrivé en haut de notre premier col, une magnifique vallée s’ouvre à nous, ainsi que la vue d’une rude descente, et celle de notre premier animal alpin (?), un chameau à trois bosses ! Oui, Jean-Christophe vient de regarder le profil du chemin et nous avons trois cols, et sachant qu’il n’aime pas les descentes, le voilà en joie à la vue de cet animal allégorique.
Vie Ferrate
À notre grand plaisir, le chemin offre plusieurs fois des vie ferrate (via ferratas ? Le français et ses emprunts à l’italien… :haussement d’épaules:). Pour ceux qui ne connaissent pas ce terme, c’est un itinéraire en montagne aménagé avec des câbles, des échelles, des prises et des ponts métalliques, qui permet de progresser sur des parois rocheuses en meilleure sécurité, quand on a l’expérience. C’est un mélange d’alpinisme et d’escalade. Toutefois, sur notre chemin, elles ne nécessitent pas de baudrier et de longes, pour des gens expérimentés, elles sont faciles.
Le temps presse
Le temps est monotone comme un métronome. Il avance avec constance alors que nous, nous avançons au rythme des difficultés du chemin et de la contemplation du paysage. Je dis « et » mais c’est plutôt un ou exclusif, le chemin est dangereux. Donc il faut soit se concentrer sur où l’on doit faire le prochain pas, ou alors s’arrêter à un endroit sûr et apprécier le paysage. Un faux pas et c’est parfois 500 m de dénivelé : comme sur la lune, en montagne il vaut mieux faire des petits pas si on ne veut pas finir comme Ötzi !
Obstacles imprévus
Cette deuxième vallée offre un paysage éclatant de fleurs contrastant avec la rudesse et la caillasse de la première partie de notre parcours d’aujourd’hui. Cependant, la beauté florale cache des défis imprévus : les torrents gonflés par l’orage de la veille ont creusé des tranchées impressionnantes, rendant la traversée plus complexe.
La marche s’étire, rythmée par des franchissements d’éboulis de pierres et de ravins. Chaque pas est une aventure, chaque obstacle un défi que nous relevons avec détermination. Après avoir conquis notre deuxième col, une décision s’impose : nous sommes à mi-chemin et nous n’avons croisé personne, que faire ?
Continuer ou rebrousser chemin?
Notre plan était qu’à mi-chemin si nous n’avions croisé personne, il nous faudrait faire demi-tour. Mais voilà, nous sommes arrivés à ce point et il n’y a toujours personne. Par contre, le jeune couple sportif et les deux guides ne sont pas revenus. Donc il nous semble que le chemin est passable. Et jusqu’à présent, il y a eu quelques obstacles mais rien de dangereux et aussi il nous semble que dans cette vallée, l’orage a été moins violent.
Alors c’est décidé, nous continuons.
Nous nous attaquons au dernier col, notre plus gros dénivelé ascendant de la journée. Après quoi, nous arrivons à un croisement. Notre chemin et une alternative qui passe par un lac.
Bain alpin
Un sentier parallèle attire notre curiosité. Il promet un panorama autour d’un lac dont d’autres randonneurs nous ont décrit comme magnifique. Jean-Christophe, toujours stratégique, apprécie particulièrement cette option : moins de descentes à affronter ! Cette nouvelle voie nous mène à un lac d’un bleu profond et cristallin, une véritable perle nichée au creux des montagnes. L’eau est glacée, mais la chaleur accablante ne nous freine pas. Vera, intrépide, plonge sans hésiter, suivie de près par Jean-Christophe, qui y trouve un soulagement pour ses pieds fatigués. Il a eu une douche froide hier, aujourd’hui juste les pieds, cela est bien suffisant, non ?
Dernières bonnes surprises de la journée
Le ciel s’assombrit, annonçant de nouveaux orages. Nous accélérons le pas vers notre prochain défi : une via ferrata plus technique que celles déjà franchies. La paroi est vertigineuse, le dénivelé pas mal non plus. Ma montre, malheureusement à court de batterie, ne pourra pas immortaliser cette performance en chiffres. Mais qu’importe, le souvenir est gravé dans nos esprits.
À la sortie de la via ferrata, un sentiment de fierté nous envahit. Le refuge apparaît enfin, et presque à l’heure du dîner, ce qui satisfait énormément Jean-Christophe. Oui, affamé et après avoir épuisé ses quatre barres de muesli (au lieu des deux prévues), il retrouve le sourire. Nos deux randonneurs profitent de quelques rayons du soleil que les nuages n’ont pas encore chassés, et se reposent sur une chaise longue.
Le soir tombe, apportant fraîcheur et sérénité. Tandis que la plupart enfilent des pulls, Jean-Christophe, fidèle à lui-même, reste en t-shirt. Peu lui importe le froid, captivé par la vue spectaculaire des montagnes. Il capture l’instant en photo, peut-être pour en inspirer un futur dessin.
Un jour de randonnée mémorable, marqué par des paysages enchanteurs, des défis relevés et des souvenirs gravés pour toujours.